[INTERVIEW] Gilles Monat à Bordeaux FinTech !

gilles-monnatPouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Gilles Monat, directeur général Saxo Banque France et responsable du développement de Saxo Markets Europe de l’Ouest.

Saxo Banque est la filiale française de la banque internationale danoise Saxo Bank, spécialisée dans l’investissement et le trading en ligne. Sa création résulte de l’acquisition du courtier en ligne français Cambiste.com par Saxo Bank A/S.
Nous proposons deux offres à destination de deux cibles différentes :

Sous la marque Saxo Banque, l’offre à destination des investisseurs particuliers avertis et connaisseurs donne à ces derniers la possibilité d’intervenir sur les marchés financiers via une plateforme de trading.

Sous la marque Saxo Markets, présente à Bordeaux Fintech, l’offre à destination des professionnels de la finance tels les banques et courtiers avec des solutions en marque blanche, ou encore les asset managers, banques privées et family offices avec une composante technologique forte (open API).

Comment définiriez-vous l’écosystème FinTech ?

Les FinTech couvrent des champs variés, ayant tous en commun d’utiliser des nouvelles technologies de communication ou mathématiques pour fournir des services financiers nouveaux, moins chers ou de plus grande qualité. En ce sens, Saxo Banque est par définition une FinTech et ce depuis l’origine, devenue un acteur reconnu pour les investisseurs en bourse. Saxo Banque souhaite rester proche de l’univers des FinTech, notamment en aidant ces dernières à se développer grâce aux innovations technologiques qui sont partie intégrante de son offre.

Les FinTech ont le vent en poupe et ont aujourd’hui le pouvoir de contester, voire de supplanter parfois les établissements financiers traditionnels. Les banques, elles, font valoir l’absence de réglementation spécifique aux FinTech qui susciterait le manque de confiance des clients finaux, leur difficulté à étendre leur offre en raison de l’utilisation d’une technologie encore immature et insuffisamment éprouvée et leur manque d’accès aux infrastructures financières.
D’après Saxo Bank, l’écosystème financier du futur verra ces deux protagonistes renforcer leurs avantages concurrentiels, dès lors que fintech et banques reconnaîtront qu’elles ont des intérêts communs.

La force des FinTech constitue la faiblesse des banques, et vice-versa. Le principal atout desFinTech réside dans l’utilisation des technologies les plus avancées de façon à optimiser l’expérience client. Ne disposant pas d’infrastructure contrairement aux banques, elles misent sur une meilleure qualité d’expérience client, plutôt que de s’efforcer de protéger les services existants. L’exploitation de « technologies » telles que le big data leur permet d’avoir une connaissance pointue de leurs clients pour leur offrir un meilleur service car très adapté, tout en accélérant les processus de décision, comme c’est notamment le cas en matière de prêt.
Cependant, les banques conservent encore leurs avantages concurrentiels. Non seulement la conformité réglementaire est un atout, mais elles capitalisent surtout sur des relations durables avec leurs clients et sur des expertises financières.

Les acteurs les plus avisés chercheront à tirer parti des avantages concurrentiels de chacun préservant ainsi leur valeur aux yeux de leurs clients. Ils bâtiront ensemble un écosystème financier d’envergure.

En construisant au fur et à mesure des années et en contrôlant toute la chaîne de valeur et l’infrastructure technologique sous-jacente , des systèmes de paiement aux marchés financiers en passant par les marchés de prêt emprunt, les banques ont longtemps maintenu une relation unique et privilégiée avec leurs clients. Mais aujourd’hui, face à la dispersion de la chaîne de valeur et à la rapidité des évolutions technologiques, cette stratégie est financièrement insoutenable.

Où se situe la convergence entre banques et fintech ?

Les banques ne doivent pas renoncer à tout contrôle, mais prendre conscience du caractère inévitable du dégroupage des chaînes de valeur. Elles doivent protéger leur business model et tirer le meilleur parti des innovations issues des FinTech.
Pour accéder rapidement à l’innovation, elles doivent redéfinir leurs segments de métier en commençant par identifier leurs compétences stratégiques… Il s’agit généralement de l’exercice le plus critique de ce process car les banques pensent pour de multiples raisons plus ou moins pertinentes à la chaîne de valeur comme un bloc indissociable…
Or cette vision qui les empêche d’évoluer et de s’adapter rapidement est devenue trop onéreux et rend difficile, voire impossible l’identification d’éventuels partenaires FinTech.

Ensuite, les banques doivent développer ou modifier leurs systèmes d’information pour être capables d’intégrer des plates-formes externes. Or la majorité des systèmes informatiques « historiques » présents dans ces établissements sont loin d’être ouverts et, bien souvent, incompatibles avec le reste de l’écosystème financier.
Par conséquent, mettre à niveau la technologie de toute la chaîne de valeur pour chaque segment de marché se révèle très coûteux et chronophage. Toutefois, en définissant à partir d’une vision stratégique et économique les éléments du système qui sont « externalisables » et ceux qui seront conservés, la mise à niveau technologique devient possible et peut être moins onéreuse.

Une fois ces défis relevés, les banques devront franchir de nouvelles étapes. Nouer des partenariats avec d’autres banques et/ou des FinTech dans leur cœur de métier leur permettra de réduire les coûts unitaires et de gagner en compétitivité par les bénéfices de la mutualisation. Les partenaires, quant à eux, bénéficieront de l’utilisation de la plate-forme.
Par ailleurs, développer des partenariats avec d’autres banques ou des Fintech dans des domaines non stratégiques peut être pertinent. Il est parfois tout simplement trop onéreux de lancer des offres non stratégiques bien que commercialement ou tactiquement importantes, qui plus est, quand la banque n’est pas bien implantée ou n’offre pas une qualité de service satisfaisante.

La réussite viendra d’une stratégie collaborative plutôt que concurrentielle. En prenant, dès aujourd’hui, des décisions difficiles de segmentation de la chaîne de valeur, les banques et notamment les plus petites, pourront conserver leur valeur ajoutée et leurs clients ainsi qu’accroître leur rentabilité grâce à la technologie.

Il est essentiel que les banques changent d’état d’esprit et associent le numérique à un bénéfice plutôt qu’à une menace. De leur côté, les FinTech doivent accepter que, pour être viables et rentables, elles ne peuvent pas s’attaquer à la totalité de la chaîne de valeur des banques, qui résulte de la combinaison d’une profonde maîtrise du système financier et d’une parfaite intégration dans ce système.
Ainsi, de la collaboration des banques et des fintech dépendront leur survie et leur réussite.

Les API, clé de voûte de l’open banking et de la collaboration banques / FinTech

Pour relever ce challenge, Saxo Bank a développé depuis le début une infrastructure technologique d’investissement et d’accès aux marchés financiers qu’elle met à disposition de ses partenaires sous la forme d’une Open API. Une banque ne peut plus tout contrôler dans la chaîne de valeur.

Pour répondre aux besoins de ses clients, elle doit se concentrer sur son core business et sous-traiter les autres services avec des partenaires. L’architecture collaborative permise par les Open API permettrait ainsi de minimiser les coûts de production et de maintenance.

[INTERVIEW] Florian Bercault à Bordeaux FinTech !

Photo_FlorianBercault_LinkedinPouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Diplômé de Sciences Po et HEC Paris, j’ai débuté ma vie professionnelle chez une plateforme d’investissement participatif incubée par ENGIE. Ce passage par la finance numérique et inclusive m’a poussé à co-développer des nouvelles méthodes d’évaluation des entreprises, et notamment des startups, au service des investisseurs. C’est pourquoi j’ai co-fondé Estimeo, une plateforme de notation automatique de startups.
En parallèle, j’ai enseigné à Sciences Po un module sur la “social finance” et enseigne à l’École internationale des sciences du traitement de l’information (EISTI) un module sur l’économie et la gestion des risques.
Multi-engagé, je suis vice-président du Club des Jeunes Dirigeants Financiers rattaché au Centre des Professions Financières, membre de l’Advisory Board d’Orange Business Services, vice-président des Franco-British Connections et membre du comité de rédaction de la revue de gestion des risques Préventique.

Comment définiriez-vous l’écosystème FinTech ?

L’écosystème Fintech, en France et en Europe, est très dynamique et accompagné par des sources de financements importantes. Il suffit d’observer les levées de fonds records des Fintechs et le nombre de fonds d’investissement dédiées aux Fintechs créés ces dernières années. Ce fleurissement des innovations financières est le fruit de la conjonction d’évolutions réglementaires, d’innovations technologiques, de fonds de capitaux risques disponibles et d’un changement culturel entrepreneurial.
Analysons la courte histoire du mouvement FinTech pour bien comprendre les dynamiques à l’œuvre. Les premières FinTechs se sont construites sur des valeurs fortes de transparence, d’inclusion ou encore d’accessibilité financière. Cette volonté de bousculer frontalement le monde financier établi était permise par les nouvelles technologies porteuses, elles-mêmes, d’une « révolution » du système financier. Or, cette Révolution n’a pas eu lieu. L’idéal de rupture avec un système financier ancien s’est éloigné au fur et à mesure que les Fintechs se sont financiarisées et ont remonté la chaîne de valeur financière.
Pour illustrer cette mutation des Fintechs, prenons l’exemple du crowdfunding. Les premières plateformes américaines étaient des plateformes de financement participatif par le don avec ou sans contrepartie. Dans un second temps seulement, sont apparues les plateformes de crowdlending et de crowdequity. Aujourd’hui, en France, cette désintermédiation financière s’ouvre à des produits financiers de plus en plus complexes tels que les obligations convertibles et à des secteurs peu innovants comme l’immobilier.
Et demain, quel avenir pour les FinTechs ? Seront-elles des compétitrices autonomes vis-à-vis des acteurs traditionnels, des partenaires ou au contraire ont-elles vocation à être absorbées par ces acteurs financiers historiques ? La réglementation continuera-t-elle à être favorables aux innovations financières portées par ces startups malgré les potentiels risques sécuritaires et systémiques ? Difficile à dire alors que plusieurs tendances se dessinent. Quoi qu’il en soit, les Fintechs poussent les grands acteurs financiers établis à accélérer leur transformation numérique pour augmenter leur proposition de valeur.

Quelles sont les innovations majeures en 2017 liées à la FinTech ?

Les innovations financières sont aujourd’hui nombreuses avec chaque jour de nouvelles créations de Fintech. Cependant, il est important de rappeler que le passage d’une invention à une innovation -une innovation étant une invention qui rencontre son marché- ne se fait pas en un jour. Cette temporalité est bien importante à avoir en tête. Il convient donc de se prémunir face aux « hypes » annoncées telles que celles de l’intelligence artificielle, de la blockchain ou des bots. D’une part les innovations de rupture n’arrivent pas tous les jours et d’autre part elles prennent souvent du temps à être adoptées.
Je vous invite à suivre les synergies à venir entre les Fintechs et leurs consœurs issues de la Legaltech, de la RegTech ou de l’InsurTech. Des rapprochements, créateurs de valeur, seront effectués dans les années à venir.
Enfin, pour bien comprendre l’impact réel des Fintechs sur le monde financier, rien de mieux que de suivre la « traction » réelle des Fintechs et donc leurs indicateurs de performance à savoir le nombre de clients, le montant du chiffre d’affaires ou encore les parts de marché acquises. Loin des levées de fonds records de ces FinTechs, j’attire également l’attention sur leurs indicateurs concrets de croissance à court, moyen et long terme.

Comment intégrez-vous l’innovation dans votre stratégie d’entreprise ?

Estimeo, en tant que FinTech, a l’innovation dans son ADN. Et finalement, l’innovation n’est pas un élément qu’on peut intégrer. Ce n’est pas une brique en plus qu’on ajoute à son produit ou service pour apporter de la valeur. C’est bien plus complexe car l’innovation fait partie intégrante de l’offre qui évolue en permanence. L’histoire le démontre : de la location de coffre forts au paiement instantané multidevise via son smartphone, le monde financier a su innover dans le temps.

Quels conseils pourriez-vous nous donner pour innover au quotidien ?

Innover au quotidien, c’est apprendre à être résilient, c’est-à-dire être résistant aux chocs. Cela passe par un cheminement intellectuel itératif d’apprentissage et de transformation permanente.
L’innovation ne se décrète pas. C’est une évolution, un état transitoire permanent et sans fin. L’amélioration de la proposition de valeur est en perpétuelle mutation. Ce sont ces adaptations que l’on appelle « innovation ».

[INTERVIEW] Anne-Laure BEDU à Bordeaux FinTech !

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis élue régionale déléguée Transfert, Innovation, Accélération, rattachée au développement économique et à l’enseignement supérieur et la recherche. Il s’agit de mon premier et unique mandat. A titre professionnel, je suis entrepreneure dans le domaine de la responsabilité sociétale.

Comment définiriez-vous l’écosystème FinTech ? Quels sont les avantages et les inconvénients ?

La crise de 2008 a bouleversé la donne en sonnant la faillite des politiques de régulation : on a vu la désintermédiation des acteurs financiers s’accélérer.
Parallèlement, et pour de multiples raisons, les banques ont montré de réelles difficultés à se réformer. Il y a deux causes, l’une essentielle, l’autre structurelle : la sécurité et la concurrence. Ce secteur est ainsi caractérisé par un grand conservatisme notamment en raison de l’inflation des règles prudentielles qui s’imposent à lui. C’est dans ce contexte que l’innovation financière s’est développée, dans les produits financiers et les technologies.
Parmi les principales innovations financières produits, on trouve le financement de projet, les financements structurés, les produits dérivés, les fonds de créance, le micro-trading. Les opportunités offertes par le numérique et l’intelligence artificielle ont bénéficié à la désintermédiation. Mais il faut ajouter que cet écosystème est aussi confronté à des risques nouveaux, échappant justement à la régulation…

Quelles sont les tendances à suivre et les innovations majeures en 2017 liées à la FinTech ?

Tout d’abord, dans la question des pronostics dans la Fintech, il convient de rester humble… !
Quelques tendances malgré tout :
– La « fintegration » ou coopération banques / fintech c’est-à-dire comment interfacer (en terme de gestion, normes, système d’information, risques, …) banques et fintech ? La sécurité des services financiers grâce aux technologies de « machine learning » représente un enjeu majeur notamment au regard des amendes réglementaires,
– Les virements instantanés et mobiles dans l’objectif de réduire les moyens de paiement dans la logique des lois Sapin et de la DSP2 (Directive européenne sur les Services de Paiements),
– Le paiement « invisible » ou pré-paiement (ex : chauffeur privé, Amazone Go, …),
– L’économie de l’abonnement,
– Les chatbots ou agents conversationnels sont issus de l’IA et devraient s’intégrer en profondeur dans les services financiers.

Comment intégrez-vous l’innovation dans votre stratégie de développement ?

La région contribue fortement au développement de dispositif fonds propres en matière d’amorçage et de capital risque : elle vient d’investir dans plusieurs véhicules financiers dont un fonds de co-investissement de 35 M€ dédié à l’attractivité des capitaux mais également dans IRDInov 2 dédié à l’amorçage technologique et dans Aélis Innovation dédié au capital risque pour des montants pouvant atteindre 1 à 10 M€.

Quels conseils pourriez-vous nous donner pour innover au quotidien ?

L’innovation est une sorte d’hyper-adaptation au réel. Il faut donc en comprendre très vite les caractéristiques, selon un mode dynamique. Puis ajuster l’offre de services ou de produits à cette perception globale. Il faut donc analyser les évolutions majeures : culturelles, environnementales, sociales, avec une attention aux signaux faibles, regarder où sont les blocages des systèmes conventionnels, identifier les attentes sociétales majeures mais aussi les émergentes, ett sans doute chercher à améliorer en permanence les usages. En bref, il faut des data, de bonnes capacité d’analyse, de l’intuition et … un peu d’audace !