Blockchain, au-delà du buzz !
Article écrit par Sébastien Bourguignon
Le terme « blockchain » a été sûrement le plus dévoyé ces 3 dernières années notamment parce qu’il est systématiquement adossé à celui de « cryptomonnaie ». En effet, le secteur technologique de la blockchain a vécu autant de bas et de débats que les bulles successives qu’ont vécu Bitcoin, Ethereum, Ripple et consort, ou encore que la percée fulgurante et le tarissement tout aussi rapide des nouvelles formes de levées de fonds que sont les ICO, STO et autre IEO. Bref, on ne saurait plus trop dire s’il s’agit encore d’un vrai sujet pour les entreprises ou si comme les scoubidous en leur temps cela ne serait pas juste effet de mode, tout simplement.
Après le temps des expérimentations…
Tous les secteurs d’activité ces dernières années sont passés par cette étape fatidique du POC (Proof-of-concept) pour se faire les dents sur les arcanes de l’une ou l’autre technologie de blockchain. Les secteurs financiers ayant été parmi les précurseurs, sûrement parce qu’ils se sont sentis les premiers en danger dès lors que tout le monde annonçait leur disparition imminente du fait de l’arrivée de nouveaux entrants comme Bitcoin pour ne pas le nommer. Mais notons que les assureurs, les acteurs de la supply chain, de la santé, du jeu vidéo, de la certification, agro-alimentaire ou même du luxe ont su emboîter le pas rapidement aux secteurs financiers. Absolument tous les secteurs se sont lancés dans ces expérimentations et ont tiré des apprentissages de l’utilisation d’une technologie de blockchain pour régler certains de leurs problème… ou non.
On ne va pas se mentir, nombre de ces prototypes ont atterri à la poubelle, et en même temps c’est aussi à ça que servent des prototypes, et n’ont donné aucune suite intéressante. Sans compter sur les cas d’usage « bidons » retenus par certains patrons du digital ou de l’innovation pour justifier de l’allocation de certains budgets et la mobilisation de leurs équipes sur des sujet sur lesquels leur manque de maturité sur bien d’autres points que la blockchain ne pouvait aboutir qu’à un échec évident de leurs tests de cette technologie. Et puis, vous avez aussi tous ceux qui ont tâtonné, et tâtonnent encore, pour finir par aboutir avec de mauvaise conclusion sur la pertinence d’utiliser une blockchain dans leur société.
… voici venu le temps des mises en production
Et pourtant, dans le même intervalle, un nombre important de projets réels ont dépassé le stade de l’expérimentation pour aller jusqu’à la mise en production et donner lieu à de réels produits business sécurisés, décentralisés et distribués basés sur l’une ou l’autre des technologies de blockchain du moment. On en compte là aussi dans de nombreux secteurs et on peut en citer quelques-uns qui ont fait parler d’eux ces derniers mois.
Prenons le cas de Fizzy, un produit d’assurance paramétrique développé par AXA qui permet de souscrire une assurance retard de vol en ligne en renseignant seulement son numéro de vol. Ensuite tout se passe dans la blockchain ! Un smart contract, un programme blockchain qui s’exécute de manière décentralisée, se met en attente d’informations sur l’heure réelle d’arrivée de l’avion, en cas de retard basé sur des données venant de l’aviation, la police d’assurance se déclenche automatiquement en fonction des clauses souscrites et vous rembourse tout ou partie du billet. Fizzy a été lancé en 2017 et permet actuellement de couvrir 80% des vols mondiaux.
Autre cas bien concret, celui du consortium we.trade qui regroupe 13 acteurs bancaires qui tentent de répondre à une problématique des entreprises qui font de l’import-export et qui permet de simplifier les échanges commerciaux domestiques et internationaux. Cette solution remplace de nombreux échanges qui se faisaient précédemment au format papier, pour ne pas dire par des signaux de fumée. Cela rendaient compliquée la réalisation d’une transaction entre un vendeur et un acheteur tous deux basés dans des zones géographiques éloignées. L’objectif de ce consortium est donc de permettre de simplifier la réalisation d’un deal entre des partie prenantes qui ne se font pas confiance. Prenons le cas d’un acheteur en France qui veut acheter un conteneur de produits à un vendeur à l’étranger, l’objectif avant de payer est d’être sûr que le vendeur va bien vous envoyer la marchandise et qu’elle est conforme à vos attentes, et pour le vendeur c’est d’être sûr d’être payé une fois le conteneur livré. Cette danse qui se joue avec la banque du vendeur et la banque de l’acheteur a donc été totalement automatisée au travers d’une plateforme basée sur une blockchain.
Dernier cas d’usage récent dans le secteur du luxe, celui de LVMH qui a sorti cette année une solution basée sur une blockchain permettant d’apporter de la traçabilité et de l’authenticité aux acheteurs des produits des marques Louis Vuitton et Dior pour commencer. Ensuite cette solution sera déployée plus largement à l’ensemble des marques du groupe. L’idée est de tokeniser chacun des produits de la marque et de transmettre ce token certifié à l’acheteur initial qui en aura la totale propriété et pourra le voir au travers d’une application mobile. Cette tokenisation intervient dès la conception du produit et est totalement infalsifiable. Le but est aussi pour un acheteur en seconde main de pouvoir vérifier toujours au travers de l’application que le produit vendu est un « vrai ». Dans une transaction de ce type, le vendeur cédera le produit et le token associé au nouveau propriétaire. La cession du token apportera une information d’historique sur les différents propriétaires et garantira aussi que le produit vendu au-delà de ne pas être une contrefaçon est bien la propriété du vendeur au moment de la vente.
On le voit, même s’il y a eu beaucoup de buzz depuis 2016 autour de la blockchain et qu’on a pu penser qu’il ne s’agissait que d’un effet de mode, des acteurs de poids ont investi rapidement dessus pour développer des applications sécurisées, qui redonnent confiance aux consommateurs. Même si toutes les entreprises n’ont pas encore trouvé l’utilité des chaînes de blocs pour leur business, il y a fort à parier que le niveau de maturité global de tous les secteurs d’activité va continuer d’augmenter pour donner naissance à de nouvelles applications qui n’ont pas encore été imaginée aujourd’hui, un peu à l’instar du Big Data depuis 6 ou 7 ans.