[INTERVIEW] Anne-Laure BEDU à Bordeaux FinTech 2018
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis élue régionale déléguée Transfert, Innovation, Accélération, rattachée au développement économique et à l’enseignement supérieur et la recherche. Il s’agit de mon premier et unique mandat. A titre professionnel, je suis entrepreneure dans le domaine de la responsabilité sociétale et professeure associée à Sciences Po.
Comment définiriez-vous l’écosystème FinTech ? Quels sont les avantages et les inconvénients ?
La crise de 2008 a bouleversé la donne en sonnant la faillite des politiques de régulation : on a vu la désintermédiation des acteurs financiers s’accélérer.
Parallèlement, et pour de multiples raisons, les banques ont montré de réelles difficultés à se réformer. Il y a deux causes, l’une essentielle, l’autre structurelle : la sécurité et la concurrence. Ce secteur est ainsi caractérisé par un grand conservatisme notamment en raison de l’inflation des règles prudentielles qui s’imposent à lui. C’est dans ce contexte que l’innovation financière s’est développée, dans les produits financiers et les technologies.
Parmi les principales innovations financières produits, on trouve les systèmes de paiement (mobile) et d’échanges de devises (en pair to pair), le financement participatif (crowdfunding), les banques en ligne, les financements structurés, les produits dérivés, les fonds de créances, le micro-trading. Les opportunités offertes par le numérique et l’intelligence artificielle ont bénéficié à la désintermédiation. Mais il faut ajouter que cet écosystème est aussi confronté à des risques nouveaux, échappant justement à la régulation…
Quelles sont les tendances à suivre et les innovations majeures en 2018 liées à la FinTech ?
Tout d’abord, dans la question des pronostics dans la Fintech, il convient de rester humble… !
Quelques tendances malgré tout :
– La « fintegration » ou coopération banques-assurances / fintech c’est-à-dire comment interfacer (en terme de gestion, normes, système d’information, risques, …) banques ou assureurs et fintech ? La sécurité des services financiers grâce aux technologies de « machine learning » représente un enjeu majeur notamment au regard des amendes réglementaires,
– Les virements instantanés et mobiles dans l’objectif de réduire les moyens de paiement,
– Le paiement « invisible » ou pré-paiement (ex : chauffeur privé, Amazone Go, …) et les cashback,
– La blockchain et les cryptomonnaies et en particulier l’ICO[1] (Initial Coin Offering),
– L’économie de l’abonnement,
– Les chatbots ou agents conversationnels sont issus de l’IA et devraient s’intégrer en profondeur dans les services financiers.
Comment intégrez-vous l’innovation dans votre stratégie de développement ?
La Région contribue fortement au développement de dispositif fonds propres en matière d’amorçage et de capital risque : elle vient d’investir dans plusieurs véhicules financiers dont un fonds de co-investissement de 35 M€ dédié à l’attractivité des capitaux mais également dans IRDInov 2 dédié à l’amorçage technologique et dans Aélis Innovation dédié au capital risque pour des montants pouvant atteindre 1 à 10 M€.
Quels conseils pourriez-vous nous donner pour innover au quotidien ?
L’innovation est une sorte d’hyper-adaptation au réel. Il faut donc en comprendre très vite les caractéristiques, selon un mode dynamique. Puis ajuster l’offre de services ou de produits à cette perception globale. Il faut donc analyser les évolutions majeures : culturelles, environnementales, sociales, avec une attention aux signaux faibles, regarder où sont les blocages des systèmes conventionnels, identifier les attentes sociétales majeures mais aussi les émergentes, et sans doute chercher à améliorer en permanence les usages. En bref, il faut des data, de bonnes capacité d’analyse, de l’intuition et … un peu d’audace !
[1] Méthode de levée de fonds fonctionnant via l’émission d’actifs numériques échangeables contre des cryptomonnaies durant la phase de démarrage d’un projet. Ces actifs numériques sont appelés tokens (jetons, en français).
Les tokens sont émis par l’organisation à l’origine de l’ICO, et peuvent être acquis par quiconque lors de l’ICO en échange de cryptomonnaie (le plus souvent, de l’ether ou du bitcoin).
Les tokens ne représentent pas (en général) des parts d’entreprise, mais plutôt, par exemple, un droit d’usage du service. Cette méthode incite donc fortement les participants de l’ICO à être investis dans le projet avec un fort intérêt au succès, afin de pouvoir à terme utiliser les tokens.