Comment les BigTech bousculent les structures de l’intermédiation financière

Comment les BigTech bousculent les structures de l’intermédiation financière

Article rédigé par mind Fintech

Paiement, crédit ou assurance, les BigTech développent un nombre croissant d’activités financières. Des chercheurs de la Banque des règlements internationaux se sont interrogés sur les motivations de ces acteurs numériques à entrer dans le secteur, et sur la possibilité d’en mesurer les effets.

Les BigTech montrent un intérêt croissant pour la fourniture de divers services bancaires ou d’investissement, comme le constatait mind Fintech en analysant les activités des GAFAM dans le secteur financier. Dans la majorité des cas, ils commencent en s’attaquant au processus de paiement. Mais dans leur étude “BigTech and the changing structure of financial intermediation”, les experts de la Banques des règlements internationaux (BRI) constatent que ces grands acteurs se déplacent rapidement sur la chaîne de valeur, et se positionnement notamment sur la distribution de capacités de financement.

Mouvement logique

L’entrée des BigTech dans les services financiers via le paiement est un mouvement logique dans la mesure où ce segment facilite leurs activités commerciales, leur permet d’accumuler des données supplémentaire, et d’intégrer l’ensemble de la phase transactionnelle au parcours utilisateur. Dans un univers numérique, l’impact des nouvelles formes de paiement varie selon les marchés. La Chine, par exemple, fait la course en tête dans le paiement mobile BtoC (14,5 milliards de yuans, soit 16% du PIB). Aux Etats-Unis, en Inde et au Brésil, qui suivent de très loin, les opportunités sont plus restreintes : les ratios tournent autour de 0,3% à 0,6% du PIB.

Une autre variable importante réside dans la présence ou non d’infrastructures de paiement (banques, schemes…). Quand il en existe, les BigTech ont tendance à nouer des partenariats avec des acteurs traditionnels (Apple avec Goldman Sachs ou Amazon avec Visa par exemple). Dans les pays où ces systèmes ne sont pas ou peu développés, ce sont les BigTech qui développent leurs propres infrastructures de paiement et les intègrent avec leurs produits phares.

Résultat : en Chine, Alipay, lancé en 2004, compte désormais 500 millions d’utilisateurs actifs par mois (36% de la population du pays), tandis que We Chat Pay, opérationnel depui 2011, atteint les 900 millions d’utilisateurs actifs (65% de la population). En Afrique de l’Est, en Egypte et en Inde, le service M-Pesa de Vodafone compte lui 32 millions d’utilisateurs actifs, tandis que la solution Mercado Pago de Mercado Libre tourne autour des 12 millions d’usagers en Amérique latine. C’est autant que le nombre de personnes ayant réalisé au moins une transaction ces six derniers mois via Apple Pay.

Présence forte dans le cloud

Cela étant, les services de paiement sont loin d’être les seuls produits que puissent proposer les BigTech. Amazon est par exemple le leader mondial du cloud, présent notamment auprès d’acteurs financiers. Microsoft et Google sont eux aussi des fournisseurs importants de ce type d’infrastructure, tandis qu’en Asie, Ali Cloud est un acteur dominant. Et tous peuvent y adjoindre des services supplémentaires basés par exemple sur l’intelligence artificielle et/ou le machine learning, des technologies dans lesquelles ils excellent.

Les chercheurs de la BRI tentent d’ailleurs de dresser la listes des avantages poussant les BigTech à s’orienter vers le marché des services financiers. Parmi les plus notables, donc, l’accès à la donnée, bien plus élevé que chez des acteurs traditionnels, et l’avantage technologique permettant de la traiter de la manière la plus efficace possible. Une régulation moins contraignante pour ce type d’acteur hybride, l’accès aisé à des capacités de financement, si besoin au travers de partenariats avec des acteurs établis, ou encore la préférence de clients déjà habitués à utiliser d’autre outils de ces entreprises jouent également. Enfin, les BigTech se positionnent sur des segments non satisfaits par les acteurs traditionnels, comme le montre l’exemple du crédit aux petites et moyennes entreprises, sur lequel le rapport se penche plus spécifiquement.

Impact sur l’économie

Pour proposer du crédit, les BigTech profitent notamment de l’effet de réseau et des technologies qu’elles ont à leur disposition. Leurs offres ont donc souvent la double particularité d’être totalement automatisées et de venir combler un manque dans la couverture des acteurs traditionnels. En Corée du Sud, lorsque le messagerie Kakao a lancé Kakao Bank, elle a ainsi réussi à attirer 820 000 clients en quatre jours seulement, puis à octroyer 5 200 milliards de wons (4,5 milliards de dollars) de prêts en 2017. Aux Etats-Unis, Amazon peut se targuer d’avoir accordé plus de 1 milliard de dollars de prêts à plus de 20 000 clients emprunteurs (TPE/PME). En Amérique latine, c’est Mercado Libre qui mène le jeu, avec 127 millions de dollars prêtés au Brésil, en Argentine, et au Mexique en 2017. L’entreprise s’intéresse désormais aussi aux produits d’assurance et d’investissement.

Le rapport constate d’ailleurs que 30% du portefeuille d’entreprises débitrices de Mercado Libre tomberaient dans la catégorie “risque élevé” si les critères d’une institution traditionnelle leur étaient appliqués, expliquant au moins en partie cette différence par la meilleure granularité des données de la place de marché. Il observe aussi que les types de crédit varient d’un acteur à l’autre. Ant Financial se tourne plus vers le micro-crédit que ne le fait son concurrent latino-américain, par exemple.

Quant à l’impact de ces crédits sur l’économie, difficile de contrôler toutes les variables pour le chiffrer clairement. Le rapport mentionne néanmoins des taux de défaut plutôt bas – autour de 1,2%, ce qui s’explique potentiellement par la relation forte instituée avec les BigTech et la crainte de se voir retirer l’accès à d’autres services qu’elles proposent – et une augmentation de 13% à 15% des produits vendus en ligne par les entreprises qui ont bénéficié d’un prêt.

par Mathilde Saliou

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